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K-Hot** et la danse orientale
7 mai 2013

J'ai interviewé pour vous.... Yaël Zarca

Cette semaine j'ai interviewé pour vous celle que l'on ne présente plus : Yaël Zarca. Un interview sans langue de bois, plein de sincérité et d'émotions... Un régal !

 

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Depuis combien d’années pratiques-tu la danse orientale ?

J’ai commencé à prendre des cours de danse orientale en 2001 ; au début c’était vraiment comme un simple loisir ; quelques années plus tard, c’était devenu une passion tellement forte que j’ai voulu en faire mon métier.

Comment as-tu connu la DO ?

J’ai toujours dansé dans ma famille depuis toute petite, j’aimais ça et tout le monde me trouvait très douée. A l’adolescence, c’est grâce à ma baby-sitter que j’ai découvert qu’il existait des cours, et je me suis inscrite. Je me suis immédiatement rendu compte que ce que je faisais « spontanément » et en improvisant n’était pas de la « vraie » danse orientale. Lorsque je me suis retrouvée dans un cours avec des instructions, de la rigueur et de la discipline, j’ai d’abord été complètement terrorisée.

Au bout de combien d’années d’expérience as-tu commencé à enseigner ?

J’ai commencé à enseigner au bout de 5 ans je crois. Trop tôt sûrement, car je n’avais pas forcément la formation adéquate. J’ai fait au mieux au début, avec l’aide de mon amie Sharon qui était elle-même professeur depuis plusieurs années, et celle de ma mère qui était une ancienne professeur de français et avait donc un certain sens de la pédagogie. Je prenais aussi des cours particuliers avec une professeur de danse qui me conseillait sur la manière d’enseigner, notamment aux enfants. Avec les années et l’expérience, j’ai modifié ma pédagogie et mieux défini les exigences d’un enseignement de qualité. C’est d’ailleurs pour cela que, l’année dernière, j’ai été à l’initiative de la création d’une formation professionnalisante intitulée «Enseigner la danse orientale : théorie, culture, méthodes et pédagogie ».

C’est une formation théorique et pratique de 39h30, axée sur la transmission et non sur la danse elle-même ; d’ailleurs, le niveau technique en danse n’est pas pris en compte. Dans cette formation, on étudie l’histoire de la danse orientale, ses artistes majeurs, les bases de l’anatomie du corps humain, les bonnes méthodes d’échauffements et d’étirements, les bases de la rythmique, la compréhension des publics, la législation, les méthodes d’enseignement, etc. C’est une formation très riche, avec des exercices pratiques et des mises en situation pédagogiques, qui aborde tous les sujets que j’aurais moi-même rêvé d’approfondir à l’époque ou j’ai commencé à enseigner. Cette formation n’est pas dispensée par un seul professeur « touche-à-tout », mais par toute une équipe de formateurs spécialisés chacun dans leur domaine.

Il n’existe pas de diplôme d’État en France pour la danse orientale : les personnes qui veulent enseigner n’ont donc pas de formation spécifique, les écoles et les élèves n’ont pas de repères. Avec cette formation, on veut donner aux (futurs) professeurs les bases nécessaires et quelques clés pour un enseignement de qualité de notre art, mais ce n’est pour eux qu’un début : ils ressortent de cette semaine intensive avec des connaissances et des réponses, mais surtout avec la conscience qu’ils ont encore beaucoup à apprendre par eux-mêmes.

Y-a-t-il eu un déclic particulier qui t’a poussée à faire de la danse orientale ton métier ?

Je finissais un BTS en économie sociale et familiale, et j’avais de plus en plus de demandes de prestations de danse en événementiel. J’étais de moins en moins concentrée sur mes études et je m’épanouissais tellement en dansant que ça a très vite pris le dessus. Je ne pense pas qu’il y ait eu un déclic particulier, la passion a été grandissante et dévorante, et mes parents m’ont finalement proposé un deal : ils me laissaient tenter ma chance pendant 1 an ; moi je devais leur prouver qu’il était possible de gagner décemment sa vie rien qu’avec la danse, et je devais consacrer la totalité de mes gains à ma propre formation. J’ai donc pris des dizaines et des dizaines de stages, tous les week-ends, avec des professeurs très différents, sur des thèmes et dans des styles très différents. J’ai testé de grands professeurs étrangers, mais aussi des professeurs locaux moins connus ; j’ai découvert les styles égyptiens modernes, mais aussi les folklores, le tribal fusion, les accessoires modernes, etc. J’ai vraiment touché à tout, et j’ai ainsi développé mon propre style. Aujourd’hui j’enseigne principalement le style égyptien moderne, mais j’ajoute parfois des techniques d’improvisation du tribal ou des pas de base du folklore…

Y-a-t-il une danseuse que tu admires particulièrement ?

Il y en a plusieurs. J’aime les danseuses qui ont une super technique, mais avant tout qui savent transmettre des émotions à leur public. Je suis particulièrement admirative de Dina et de Randa Kamel, deux danseuses égyptiennes capables de me faire pleurer quand elles sont sur scène. J’admire aussi leur parcours, dans un pays où la danse orientale n’est pas très bien vue.

Ton entourage t’a-t-il soutenu dans ton choix de carrière ?

Ma mère m’a toujours soutenue et conseillée. C’est elle qui m’a poussée à m’investir aussi dans l’enseignement plutôt que de me limiter au spectacle. La précarité de la vie d’artiste l’inquiétait, elle aurait évidemment préféré que j’aie une vie plus « normale » ; l’enseignement de la danse me permet de concilier les deux aspects et d’envisager l’avenir plus sereinement. Ma mère m’a toujours dit qu’elle préférerait que je sois une bonne infirmière plutôt qu’un mauvais médecin : ce qui compte, ce n’est pas le titre ou le prestige, mais c’est de bien faire ce qu’on entreprend et de pouvoir en être fier. Donc quand j’ai choisi de vivre de la danse orientale, elle m’a vraiment encouragée à me former, à me perfectionner, à me dépasser sans cesse. Elle me soutient à 100% aujourd’hui, elle m’aide dans mon travail, et c’est grâce à elle que j’avance. Car en plus du soutien énorme qu’elle m’apporte, elle sait aussi être objective et me dire quand elle pense que j’aurais pu faire mieux. Cela m’aide beaucoup pour progresser et pour ne pas me « prendre la grosse tête » !

En ce qui concerne le reste de ma famille, plus particulièrement mes grands-parents originaires d’Afrique du Nord, l’annonce de mon choix professionnel a été assez mal vécue : pour eux, les danseuses orientales, c’était soit les prostituées comme ils en avaient vu au Maghreb, soit ces danseuses en quête de billets qui s’asseyaient sur les genoux des hommes dans les mariages orientaux en France. Cela a été dur de les convaincre que la danse orientale est un art véritable et respectable. Après m’avoir vue en spectacle sur scène, ils ont compris et accepté, et maintenant ils m’encouragent, même s’il est évident qu’ils auraient préféré que je choisisse autre chose !

Aujourd’hui, à quelle fréquence t’entraînes-tu ?

Mes journées sont consacrées à la danse orientale, qu’il s’agisse de la préparation de mes cours, de mes stages, de mes chorégraphies de scène, des chorégraphies de mes élèves, du travail sur mes différents projets… Je continue à me former en stages, mais surtout en cours particuliers sous forme de coaching. Je pars régulièrement à l’étranger prendre des cours privés pour travailler mes faiblesses.

Quelle a été ta plus belle rencontre artistique ?

J’ai fait deux rencontres majeures qui ont changé ma danse. La première, ça a été Mayodi, professeur et danseur à Paris. J’ai pris un cours particulier avec lui il y a plusieurs années pour lui demander conseil sur une chorégraphie que je venais de créer. J’ai dansé devant lui, puis il m’a dit : « Assieds-toi, je vais danser sur la même musique et tu vas me dire ce que tu en penses. » Il a dansé et j’en ai eu les larmes aux yeux. Peu de mouvements, de la simplicité, mais tellement d’émotion, de « roh » (« âme » en arabe) comme il dit. Ce jour-là, il m’a fait comprendre que les combinaisons de pas complexes n’ont pas d’intérêt si elles ne laissent pas de place à l’interprétation. Cela a modifié ma façon de danser, car j’ai enfin pris le temps de vivre la musique au lieu d’essayer d’y caser des prouesses techniques.

Ma deuxième rencontre artistique majeure a été Amar Chaoui, percussionniste à Paris. En travaillant avec lui, j’ai mieux compris la musique et ses règles, j’ai appris à mieux l’écouter. Il m’a appris le langage, les nuances, l’expressivité des différents instruments. Cela a beaucoup modifié mon écoute musicale et donc forcément les subtilités de ma danse.

As-tu des regrets concernant ton parcours ?

Aucun regret ! Mes rêves et projets se réalisent petit à petit. La seule chose qui me pose problème, c’est que les journées ne font que 24 heures ! Je travaille 7 jours sur 7 et malgré tout je suis toujours débordée !

As-tu un conseil à donner aux danseuses qui souhaiteraient se lancer professionnellement dans la DO ?

Formez-vous ! Je croise souvent des professeurs qui sont autodidactes ou qui n’ont pris qu’un ou deux ans de cours de danse avant de se lancer dans l’enseignement pour gagner rapidement de l’argent. Elles ne se rendent pas compte à quel point leur ignorance de la culture de la danse orientale, leur niveau de danse insuffisant et leur enseignement médiocre font du tort à notre discipline. Il y a aujourd’hui en France de nombreux professeurs de qualité : il n’y a donc aucune excuse pour bâcler sa formation.

Quels sont tes projets en cours ou à venir ?

Je travaille en ce moment avec le percussionniste Amar Chaoui sur un livret-CD qui présentera les fondamentaux des rythmes pour la danse orientale égyptienne. C’est également un outil dont j’aurais aimé pouvoir disposer il y a quelques années, en tant qu’élève et en tant que professeur (sortie prévue en mai/juin 2013)

 

Merci à Yaël pour ses réponses franches et sincères !


 

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